Histoire de la Cour suprême de Mauritanie

La justice en Mauritanie a connu trois périodes nettement distinctes, avant, pendant et après la période coloniale. Apres une lente pénétration militaire, la Mauritanie fut proclamée officiellement colonie de l’Afrique Occidentale française (AOF) en 1920.

De la justice coloniale à l’indépendance

La justice en Mauritanie a connu trois périodes nettement distinctes, avant, pendant et après la période coloniale. Apres une lente pénétration militaire, la Mauritanie fut proclamée officiellement colonie de l’Afrique Occidentale française (AOF) en 1920.

La justice administrative et judiciaire en Mauritanie relevait alors des juridictions coloniales siégeant au Sénégal, à savoir le tribunal du contentieux administratif de Dakar et le tribunal de première instance de Saint-Louis, au second degré la Cour d’appel de Dakar, les pourvois relevant de la Cour de cassation française. La justice « justice autochtone » conservait  les contentieux relevant du droit musulman, la justice de « droit français » se voyant attribuer les conflits de nature économique et ceux concernant l’administration et les colons.

A l’indépendance, la loi portant organisation judiciaire, n° 61. 123 du 23 juin 1961 réalise une synthèse entre l’héritage du passé et les apports de la colonisation. A l’influence du passé précolonial se rattachent les juridictions de droit musulman, l’héritage colonial se traduisant par la création des juridictions de droit moderne. Le nouvel Etat mauritanien devait, en effet, hériter des règles de la Constitution française de 1958 qui consacrent, non pas le pouvoir judiciaire, mais l’autorité judiciaire.

Celle-ci est comprise comme étant l’ensemble des juridictions placées sous le contrôle de la Cour suprême créée par la loi du 27 juin 1961 qui se voit attribuer toutes les compétences constitutionnelles, administratives et judiciaires. L’organisation judiciaire de la loi reconduit, au premier niveau bas la hiérarchie judiciaire, le tribunal du Cadi. Viennent ensuite le tribunal de première instance, la cour d’appel et la Cour suprême, chacune de ces juridictions étant composée de juges de droit musulman et de juges de droit moderne avec des compétences respectives nettement délimitées.

La place spécifique historique de la Cour suprême

Bien que n’ayant qualifié la Cour suprême de « plus haute juridiction de la République », les constituants de 1961 ont entendu lui réserver plusieurs dispositions de la Constitution plutôt que de la règlementer dans le titre VI consacré à la justice.

La place de Cour suprême dans les institutions parait ainsi difficile à déterminer au regard des dispositions de la Constitution du 20 mai 1961. Elle est la plus haute juridiction, au sommet de la pyramide, dans la mesure où elle assure, entre autres attributions, la régularité des décisions de justice.

La place prééminente accordée à la Cour suprême par les auteurs de la constitution de 1961 s’expliquer aussi par les privilèges reconnus à cette juridiction de se constituer en Conseil constitutionnel et de statuer ainsi sur la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux.

La Cour suprême comprend six membres permanents : un président, un vice-président de droit musulman, un conseiller de droit moderne, un conseil de droit musulman, en plus d’un conseiller financier et un conseiller de droit administratif. Elle reçoit les pourvois en cassation contre les décisions rendues en dernière instance par les juridictions inferieures.

Lorsqu’elle statue en matière de droit musulman, la cour suprême se compose du président, du vice-président de droit musulman et du conseiller de droit musulman. Le vice-président de droit musulman exerce en ce qui concerne les magistrats de droit musulman, les pouvoirs hiérarchiques qui lui sont reconnus par la loi. En cas d’empêchement, le conseiller de droit musulman est remplacé par le vice-président du tribunal de première instance. La composition du greffe est la même qu’en ce qui concerne le tribunal de première instance.

A l’image des Cours suprêmes d’Afrique, la Cour suprême de Mauritanie était omnipotente. Dès sa création en 1961, qui a parachevé l’indépendance judiciaire amorcée en 1958, la Cour suprême fut dotée de pouvoirs importants. Elle joue, théoriquement, le rôle de Cour des comptes et d’organe de contrôle de la constitutionnalité. A partir de 1965, la suppression de la cour d’appel a ajouté à ses compétences celles de l’appel. Mais la caractéristique majeure de la Cour suprême est de regrouper les compétences relevant antérieurement de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat français.

 
Sur le plan judiciaire, la Cour suprême a les fonctions d’uniformisation

Sur le plan judiciaire, la Cour suprême a les fonctions d’uniformisation et d’harmonisation du droit, comme la Cour de cassation française. En matière judiciaire, elle statue sur les pourvois en cassation pour incompétence ou violation de la loi dirigés contre les décisions rendues en dernier ressort par les autres juridictions. Depuis 1965, elle statue sur les décisions des juridictions de première instance, des juges d’instruction ainsi que celles rendues, en premier ressort par les tribunaux de travail.

Sur le plan administratif, la Cour suprême cumule les attributions consultatives et contentieuses du Conseil d’Etat français.

L’ordonnance de 1983 (à préciser) abolit le dualisme judiciaire et met en place un appareil judiciaire unifié comprenant le tribunal départemental, le tribunal régional, la cour d’appel et la Cour suprême. Au sein de ces juridictions, on ne retrouve plus la distinction entre les juges de droit moderne et les juges de droit musulman.

La réorganisation intervenue en 1993

La loi n° 93.010 du 21 janvier 1993 a réformé l’organisation de la Cour suprême. Elle est désormais organisée en quatre chambres spécialisées (civile et commerciale, administrative, criminelle et sociale). Le président de la cour suprême est nommé pour cinq ans par le président de la République. Les présidents de chambres sont nommés en raison de leurs compétences. En cas d’empêchement du président d’une chambre, il est remplacé par le président d’une autre chambre sur ordonnance du président de la cour suprême. En cas d’empêchement d’un conseiller, il est pourvu à son remplacement parmi les autres conseillers de la même chambre sur ordonnance du président de la cour suprême.

L’ordonnance n° 2007-012 du 8 février 2007 portant organisation judiciaire, dans son article 1er stipule que sur le territoire de la République Islamique de Mauritanie, la justice est rendue par la Cour suprême, les cours d’appel, les tribunaux des wilayas, les cours criminelles, les tribunaux de commerce, les tribunaux de travail, les tribunaux de moughataa et par toute autre juridiction créée par la loi. La Cour suprême a considérablement évolué, elle a forgé sa propre méthode pour l’adapter aux réalités juridiques, économiques et sociales du pays.  Elle juge en dernier recours les affaires civiles,  commerciales, sociales et criminelles. Elle connait en matière administrative en premier et dernier ressort, les affaires qui lui sont dévolues par la loi. 

 

Références bibliographiques

Constitution de la République islamique de Mauritanie

Constitution
20 juillet 1991

Organisation judiciaire

Ordonnance
08 février 2007

Haimoud Ramdan, « Le fonctionnement de la justice dans les pays en voie de développement : le cas de la Mauritanie », Thèse de doctorat, Université de Saint-Louis du Sénégal, L’harmattan, 2009

Livre
01 juin 2011

Phillipe Marchesin, « Tribus, ethnies et pouvoir en Mauritanie », Karthala

Livre

Diop Boubacar, « La réforme de la justice et la protection des droits de l’homme en Mauritanie » , 2007

Mémoire de recherche, Université du Havre

Centre de recherches et d’études sur les sociétés méditerranéennes et Centre d’étude d’Afrique noire (dir.) « Introduction à la Mauritanie »

CNRS
01 janvier 1979

Ba Boubou, « L’indépendance du pouvoir judiciaire en Mauritanie »

Mémoire de Master 2
01 janvier 2011

Mémoire, Master2 de recherche en droit pénal et procédure pénale, Université, Paris-Nanterre, 2011