La Cour de cassation libanaise face à ses défis

La Cour de cassation libanaise a été touchée par le souffle de l’explosion du 4 août dernier dans le port de Beyrouth. Les dégâts sont venus s’ajouter aux difficultés économiques, financières, sociales et sanitaires que connaît le Liban. Dans ce contexte difficile, la Cour de cassation libanaise veut continuer d’agir pour réformer le service public de la justice.
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Les dégâts causés à la Cour de cassation libanaise sont considérables. Les photographies transmises par nos amis libanais permettent de mesurer les conséquences sur leurs conditions de travail : fenêtres cassées, plafonds effondrés, climatisation et chauffage hors d’usage, matériel de bureau renversé….. Et aucun moyen pour faire face, seules les bonnes volontés individuelles et collectives permettent les colmatages et certaines remises en état urgentes pour que le service public de la justice continue de fonctionner.

 

 

Accéder aux images des dégâts causés à la Cour de cassation 

La nouvelle année judiciaire a repris le 15 septembre 2020 dans ces conditions difficiles. 

La Cour de cassation a continué son activité pendant les vacances judiciaires. Le Premier président Souheil Abboud, préside aussi le Conseil supérieur de la magistrature, et la Cour de justice qui jugera l’affaire de l’explosion du port. Il présidera enfin la Haute Cour de Justice - en cours de formation - juridiction d’exception chargée de juger les présidents et les ministres conformément à l’article 80 de la Constitution libanaise.

 

Le Premier président Abboud lors de sa prestation de serment 

 

La justice libanaise se trouve dans un moment extrêmement difficile. L’explosion du 4 août est venue s’ajouter à la crise économique et financière, au gel des comptes bancaires par les banques libanaises, au mouvement social de protestation depuis octobre 2019, alors que la propagation de l’épidémie de Covid-19 progresse. Tous ces éléments qui secouent le pays affectent évidemment aussi le fonctionnement des juridictions libanaises.

Un plan d’adaptation des juridictions libanaises a été élaboré face à la propagation de la pandémie de coronavirus 

Le Conseil supérieur de la magistrature s’est réuni par visioconférence. Les juridictions pénales ont continué de traiter les flagrants délits, les dossiers de détenus et les crimes nécessitant une réponse judiciaire rapide, avec un recours de plus en plus fréquent à la visioconférence. La procédure est allégée pour les victimes concernant les enfants en danger et les violences conjugales. Les juridictions civiles ne traitent que les dossiers urgents et ceux comportant des délais précis. La requête en référé peut être introduite par mail. Les contentieux liés aux détentions sont, dans leur majorité, traités en ligne.

Sur décision du CSM, le Premier président, en coordination avec les bâtonniers de Beyrouth et Tripoli, a mis en place un plan de reprise progressive du travail dans toutes les juridictions à partir du 15 septembre 2020.

Préalablement, le Premier président Abboud s’était concerté avec les premiers présidents des Cours d’appel dans tous les mohafazats et un consensus s’est formé sur la nécessité de poursuivre le travail judiciaire tout en préservant la sécurité sanitaire des magistrats, fonctionnaires, justiciables et avocats.

Un communiqué du 11 septembre 2020 précise les mesures prises pour le fonctionnement des juridictions libanaises. Parmi ces dispositions, les avocats sont invités à échanger leurs conclusions par écrit via les greffes quand cela sera possible, ainsi qu’à se désister de leur droit à la plaidoirie sur la base de l’article 462 CPC. Les séances consacrées aux prononcés de jugements peuvent se tenir en l’absence des parties, des avocats et du public. Les convocations aux audiences ont été réparties sur des heures échelonnées. Les requêtes concernant les registres de commerce et les bureaux d’exécution seront enregistrées de manière alternée selon les numéros pairs et impairs des dossiers.

Pour réguler le flux des justiciables, l’entrée à l’intérieur des Palais de justice ne sera autorisée qu’aux personnes convoquées ou directement intéressées par des affaires précises. Les militaires postés aux entrées veilleront au respect des consignes de sécurité. Des couloirs d’aseptisation sont déjà installés et des masques de protection seront distribués à ceux qui auraient omis d’en porter.

Dans chaque mohafazat, les premiers présidents des cours d’appel seront chargés d’adopter les mesures d’application du plan de reprise et de se conformer aux mesures préventives (hygiène des mains, port de masque et distanciation physique).

Juridictions face au Coronavirus

 

La création d’une instance nationale pour la lutte contre la corruption

La loi n° 175 du 8 mai 2020 relative à la lutte contre la corruption du secteur public a créé une instance nationale pour la lutte contre la corruption (JO n° 20 du 14 mai 2020). Cette instance est dotée d’une personnalité morale et d’une indépendance financière et administrative. Elle est composée de deux magistrats, élus par le corps des magistrats, d’un avocat ou juriste, d’un expert en affaires bancaires ou économiques, d’un expert en matière d'administration publique ou de finances publiques ou de lutte contre la corruption qui seront nommés, eux, par le Conseil des ministres après avoir été présélectionnés par leur instance d’appartenance, tous pour six ans non renouvelables.

Le Premier président Souheil Abboud a désigné un comité de magistrats pour mettre en place un plan d’organisation de l’élection de ces deux magistrats par leurs pairs.

 

Solidarité avec nos collègues libanais

A la suite de la double explosion du 4 août dernier, le Premier président de la Cour de cassation libanaise a reçu plusieurs messages de soutien et de solidarité de ses homologues présidents des  Hautes juridictions de la francophonie.

La publication des Actes du Congrès de l’AHJUCAF à Beyrouth des 12-14 juin 2019 constitue pour l’AHJUCAF le souvenir d’un accueil chaleureux de nos collègues libanais et la volonté de promouvoir une justice modernisée, indépendante pour garantir l’état de droit et lutter contre la corruption.

 

 

Accéder aux Actes du Congrès de Beyrouth

 

Des actions de solidarité des Cours de la francophonie avec la Cour de cassation libanaise sont en cours d’élaboration dans le cadre de l’AHJUCAF.